Le progrès des femmes dans le monde En quête de justice
Par ONU Femmes
New York, 2012, 164 pages ISBN : 978-1-936291-35-9
New York, 2012, 164 pages ISBN : 978-1-936291-35-9
Le rapport, intitulé Le progrès des femmes dans le monde En quête de justice, est le premier en son genre publié par ONU Femmes (entité des Nations Unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes), depuis sa création en 2010. Consacrée à une question principale, celle de la justice, cette étude se veut à la fois une contribution à l’analyse des rapports de genre sous l’angle de l’égalité et un document de référence actualisé sur la condition des femmes dans le monde. À partir d’une observation des systèmes juridiques des différents pays en matière de santé, de violence conjugale, de participation politique, des opportunités économiques… Le progrès des femmes montre, comme l’écrit Michelle Bachelet, Secrétaire générale adjointe et Directrice exécutive d’ONU Femmes, dans l’avant-propos, que « lorsqu’ils fonctionnent, les lois et les systèmes judiciaires fournissent aux femmes un mécanisme essentiel à l’exercice de leurs droits » (p. 3).
Partant de cette idée, le rapport, réalisé par une équipe d’experts juridiques, de statisticiens et de spécialistes des questions de genre, met l’accent sur l’évolution de la condition juridique des femmes dans le monde et les inégalités qui existent en matière d’adoption des mécanismes institutionnels et des mesures juridiques pour éliminer les discriminations à l’égard des femmes. Afin de lutter contre les discriminations sexuées, inhérentes aux institutions judicaires dans les sphères privées et publiques, l’étude souligne un point qui semble essentiel : l’adaptation des systèmes judiciaires aux besoins des femmes. Nous nous intéressons ici particulièrement à la condition des femmes africaines dans ce rapport en mettant l’accent sur les points les plus caractéristiques relatifs aux inégalités entre les sexes et les mesures prises par certains pays pour rendre justice aux femmes.
Les inégalités justifiées par les coutumes
Réparties par aires géographiques, les disparités entre les sexes se manifestent à travers les indices du développement économique et humain des pays, le degré de démocratie, d’autonomisation et de liberté. L’Afrique subsaharienne et l’Afrique du Nord occupent les échelons les plus élevés en matière des discriminations à l’égard des femmes. L’intérêt de cette étude est qu’elle donne des exemples d’inégalités qui ne semblent pas moins probants. Le droit de succession coutumier ne respectant pas les garanties d’égalité a été évoqué à partir de la décision de la Cour constitutionnelle d’Afrique du Sud qui a déclaré « inconstitutionnel le principe de primogéniture ». Fondé sur la coutume, ce principe n’est pas respectueux de l’égalité car « son effet est de soumettre les femmes à un statut de minorité permanent, les plaçant automatiquement sous le contrôle des héritiers masculins, simplement en raison de leur sexe et de leur genre » (p. 19).
Sur le plan juridique, quelques progrès méritent d’être signalés. Ils sont liés surtout à la réforme judicaire et constitutionnelle. Parce que la réforme constitutionnelle est le meilleur garant de l’égalité, l’inscription des droits des femmes dans les constitutions leur assure une protection constante et irréductible. Cela permet également une meilleure représentation des femmes dans les instances politiques et les assemblées élues. Mais l’application du respect des droits « constitutionnels » des femmes exige un suivi permanent. Ainsi, l’Afrique du Sud a installé une commission spéciale chargée de suivre l’application des dispositifs constitutionnels relatifs aux droits des femmes. La réforme constitutionnelle dans d’autres pays comme l’Ouganda va jusqu’à interdire, en 1995, « les lois, les coutumes et les traditions qui portent atteinte à l’autonomisation des femmes ». La même démarche a été adoptée par le Kenya en 2010.
Cela montre l’impact de l’opposition, que démontre très bien Leclund, entre le droit positif « réfléchi, artificiel, conscient, volontaire formel, issu d’un pouvoir organisé et personnifié[i]» et le droit coutumier « spontané, naturel, inconscient, informel, naissant de la tradition », en ce qui concerne le progrès des femmes. Toutes proportions gardées, les dispositifs juridiques qui émanent du droit positif et international en particulier, ne peuvent que rendre justice aux femmes.
À partir de quelques modèles de pratiques juridictionnelles, l’étude aborde le problème de l’égalité (ou l’inégalité) des genres en matière de succession et de propriété. Les pays d’Afrique du Nord, dont la loi islamique s’impose dans les codes civils et les statuts de famille sont des plus inégalitaires en Afrique. À cause des pratiques coutumières, la capacité des femmes à hériter des terres ou à les contrôler est limitée. L’égalité relative à la nationalité, au choix de résidence ainsi que leurs droits dans le cadre du mariage et de la famille ne sont pas respectés.
L’impact des coutumes et des normes sur les inégalités de genre en matière de droit révèle à quel point se structurent les discriminations à l’égard des femmes. Bien que radicale, la position de la féministe juridique Catharine MacKinnon[ii], qui représente le courant feminist legal studies, nous semble explicite et ingénieuse sur la contrainte qu’exercent les rapports de pouvoir sur les normes et les représentations de la société au point de modeler l’identité des individus. Cela montre également à quel point est crucial le rôle de l’État dans la régulation des problèmes sociaux liés à l’emprise de la religion et des coutumes, notamment dans les sociétés où la domination masculine est ancrée dans les esprits.
L’exemple des femmes nigérianes accusées d’adultère, peine passible de la peine de mort, montre combien est néfaste l’usage que font certains tribunaux islamique de la charia, surtout dans des cas où les hommes, faute de preuve sont innocentés. Ainsi s’impose le rôle des associations dans la défense des droits des femmes. L’étude fait référence à l’association BAOBAB[iii] (p. 76) qui, au nom des principes mêmes de l’islam, milite pour sensibiliser les femmes à leurs droits. Pour réussir sa mission, l’association « collabore avec les cours islamiques, utilisant des principes et des arguments tirés de la jurisprudence… pour faire annuler des condamnations injustes… »[iv].
L’article 5 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) est clair à ce sujet ; il incite les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour « modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières …». Les mesures prises par les pays africains pour rendre justice aux femmes en matière de propriété foncière et de droits de succession ne sont pas sans lien avec la place qu’occupent les femmes dans la vie politique. Ainsi, dans le Rwanda où les femmes occupent 51% des sièges au parlement et la moitié des sièges à la Cour suprême y compris sa présidence (données de 2011), la condition des femmes est en avance par rapport à de nombreux pays. À travers un arsenal juridique considérable (les lois sur la succession de 1999 qui impose l’égalité entre les sexes en matière de succession et de propriété, sur la politique foncière nationale en 2004 et le code foncier en 2005 qui consacre l’égalité en matière de propriété foncière, tant juridique que coutumière), les discriminations juridiques à l’égard des femmes ont presque disparu. Le rôle des femmes parlementaires était primordial dans la réalisation de ces avancées. Mais dans d’autres pays subsahariens, « des programmes de délivrance de titres fonciers avaient eu pour conséquence le passage d’un système d’exploitations familiales régies par des systèmes fonciers coutumiers (en vertu desquels les femmes avaient certains droits, même limités) à un système de parcelles appartenant à des particuliers et enregistrées au nom de l’homme, chef de famille » (p. 40).
C’est pourquoi l’étude montre l’importance que les lois et réformes juridiques soient sensibles au genre et tiennent compte des droits des femmes à la propriété pour réussir la lutte contre les discriminations juridiques que cautionne le droit coutumier.
Sur le plan juridique, quelques progrès méritent d’être signalés. Ils sont liés surtout à la réforme judicaire et constitutionnelle. Parce que la réforme constitutionnelle est le meilleur garant de l’égalité, l’inscription des droits des femmes dans les constitutions leur assure une protection constante et irréductible. Cela permet également une meilleure représentation des femmes dans les instances politiques et les assemblées élues. Mais l’application du respect des droits « constitutionnels » des femmes exige un suivi permanent. Ainsi, l’Afrique du Sud a installé une commission spéciale chargée de suivre l’application des dispositifs constitutionnels relatifs aux droits des femmes. La réforme constitutionnelle dans d’autres pays comme l’Ouganda va jusqu’à interdire, en 1995, « les lois, les coutumes et les traditions qui portent atteinte à l’autonomisation des femmes ». La même démarche a été adoptée par le Kenya en 2010.
Cela montre l’impact de l’opposition, que démontre très bien Leclund, entre le droit positif « réfléchi, artificiel, conscient, volontaire formel, issu d’un pouvoir organisé et personnifié[i]» et le droit coutumier « spontané, naturel, inconscient, informel, naissant de la tradition », en ce qui concerne le progrès des femmes. Toutes proportions gardées, les dispositifs juridiques qui émanent du droit positif et international en particulier, ne peuvent que rendre justice aux femmes.
À partir de quelques modèles de pratiques juridictionnelles, l’étude aborde le problème de l’égalité (ou l’inégalité) des genres en matière de succession et de propriété. Les pays d’Afrique du Nord, dont la loi islamique s’impose dans les codes civils et les statuts de famille sont des plus inégalitaires en Afrique. À cause des pratiques coutumières, la capacité des femmes à hériter des terres ou à les contrôler est limitée. L’égalité relative à la nationalité, au choix de résidence ainsi que leurs droits dans le cadre du mariage et de la famille ne sont pas respectés.
L’impact des coutumes et des normes sur les inégalités de genre en matière de droit révèle à quel point se structurent les discriminations à l’égard des femmes. Bien que radicale, la position de la féministe juridique Catharine MacKinnon[ii], qui représente le courant feminist legal studies, nous semble explicite et ingénieuse sur la contrainte qu’exercent les rapports de pouvoir sur les normes et les représentations de la société au point de modeler l’identité des individus. Cela montre également à quel point est crucial le rôle de l’État dans la régulation des problèmes sociaux liés à l’emprise de la religion et des coutumes, notamment dans les sociétés où la domination masculine est ancrée dans les esprits.
L’exemple des femmes nigérianes accusées d’adultère, peine passible de la peine de mort, montre combien est néfaste l’usage que font certains tribunaux islamique de la charia, surtout dans des cas où les hommes, faute de preuve sont innocentés. Ainsi s’impose le rôle des associations dans la défense des droits des femmes. L’étude fait référence à l’association BAOBAB[iii] (p. 76) qui, au nom des principes mêmes de l’islam, milite pour sensibiliser les femmes à leurs droits. Pour réussir sa mission, l’association « collabore avec les cours islamiques, utilisant des principes et des arguments tirés de la jurisprudence… pour faire annuler des condamnations injustes… »[iv].
L’article 5 de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW) est clair à ce sujet ; il incite les États parties à prendre toutes les mesures appropriées pour « modifier les schémas et modèles de comportement socioculturel de l’homme et de la femme en vue de parvenir à l’élimination des préjugés et des pratiques coutumières …». Les mesures prises par les pays africains pour rendre justice aux femmes en matière de propriété foncière et de droits de succession ne sont pas sans lien avec la place qu’occupent les femmes dans la vie politique. Ainsi, dans le Rwanda où les femmes occupent 51% des sièges au parlement et la moitié des sièges à la Cour suprême y compris sa présidence (données de 2011), la condition des femmes est en avance par rapport à de nombreux pays. À travers un arsenal juridique considérable (les lois sur la succession de 1999 qui impose l’égalité entre les sexes en matière de succession et de propriété, sur la politique foncière nationale en 2004 et le code foncier en 2005 qui consacre l’égalité en matière de propriété foncière, tant juridique que coutumière), les discriminations juridiques à l’égard des femmes ont presque disparu. Le rôle des femmes parlementaires était primordial dans la réalisation de ces avancées. Mais dans d’autres pays subsahariens, « des programmes de délivrance de titres fonciers avaient eu pour conséquence le passage d’un système d’exploitations familiales régies par des systèmes fonciers coutumiers (en vertu desquels les femmes avaient certains droits, même limités) à un système de parcelles appartenant à des particuliers et enregistrées au nom de l’homme, chef de famille » (p. 40).
C’est pourquoi l’étude montre l’importance que les lois et réformes juridiques soient sensibles au genre et tiennent compte des droits des femmes à la propriété pour réussir la lutte contre les discriminations juridiques que cautionne le droit coutumier.
Le difficile accès à la justice
L’étude montre également la difficulté pour les femmes africaines d’accéder à la justice de leurs pays et de faire entendre leur cause. Qu’il s’agisse de déposer une plainte pour viol, ou réclamer ses droits, la voix de la femme ne se fait guère entendre. L’étude indique qu’« à travers le monde, les systèmes judicaires sont caractérisés par des niveaux d’attrition élevés », surtout en cas de viol. L’Afrique en est encore une fois l’exemple frappant. Dans la Province de Gauteng en Afrique du Sud, « seules 17 pour cent des affaires de viol ont atteint le tribunal et seules 4 pour cent des affaires ont donné lieu à une condamnation pour viol » (p. 49). Pour faire face à ce phénomène, l’accent a été mis sur l’importance des actions gouvernementales pour encourager les femmes à déposer plainte tout d’abord et, ensuite, à répondre aux besoins médicaux et sociaux des victimes d’agression sexuelle, et ce à travers un guichet unique selon un modèle dit Thuthuzela (réconfort) Care Centre (TCC). Pour montrer l’ampleur et la gravité de ce phénomène, il suffit de souligner que « le TCC de Soweto, dans la province de Gauteng, traite environ 165 victimes par mois, notamment des enfants parfois âgés seulement de deux ans ». Reconnu comme un modèle de bonne pratique, l’expérience sud-africaine a inspiré d’autres pays comme l´Éthiopie et le Chili.
Le recours aux institutions traditionnelles (ou coutumières), qui exercent une autorité morale dans la société, est souvent privilégié par les femmes. Elles préfèrent ainsi inscrire leurs doléances (quand elles osent s’exprimer) dans un cadre familial, tribal ou communautaire. À Madagascar, au Bénin, au Mali par exemple, moins de 5 pour cent des femmes s’adressent aux institutions judiciaires publiques (étatiques) pour demander justice (p. 66). Même dans des pays où le système judicaire « formel » fonctionne bien, et où le statut de la famille a été réformé d’une manière donnant aux femmes plus d’autonomie et de droits (comme le Maroc), l’étude souligne le même phénomène (bien qu’avec un pourcentage un peu plus élevé). Ce qui ne conduit pas toujours à rendre justice aux femmes au regard d’un statut inégal entre les sexes.
L’absence tout simplement d’une égalité de fait et d’une certaine appréhension de l’égalité des sexes, ne peut que renforcer la domination « légitime » des normes juridiques discriminatoires imposées par la tradition, la morale, la religion, la culture et, parfois même, le politique. Car même quand le système juridique agit d’une manière « moderne », « les processus de production de la loi » sont « susceptibles de rendre compte des mécanismes de reproduction sociale ou de “domination symbolique” »[v]. Dans le chapitre relatif aux cadres juridiques, l’étude s’appuie sur les différents rapports de la Commission des Nations Unis pour les droits de l’Homme afin de montrer que « le cadre juridique reste souvent fondamentalement défavorable aux femmes dans de nombreux contextes » (p. 24).
Sur le plan politique, l’étude souligne l’importance des mesures prises par certains pays arabes pour renforcer la présence des femmes dans les instances de prise de décision et les assemblées élues, le parlement en particulier[vi]. En outre, il est important de faire remarquer qu’ « un grand nombre de pays disposant d’une représentation des femmes au parlement supérieure à 30 pour cent en Afrique subsaharienne sont sortis d’un conflit, notamment l’Angola, le Burundi, le Mozambique, le Rwanda, l’Afrique du Sud et l’Ouganda » (p. 100). Mais dans plusieurs pays la représentation des femmes dans les parlements reste pourtant faible. Elle est moins de 10 pour cent dans des pays comme le Nigéria, le Congo, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana. Cela montre l’importance d’instaurer des lois imposant des quotas pour les femmes, non seulement dans les postes électifs, mais aussi dans les postes de responsabilité politique, afin d’assurer une participation égale entre les sexes et de mieux tenir compte des préoccupations des femmes.
Le recours aux institutions traditionnelles (ou coutumières), qui exercent une autorité morale dans la société, est souvent privilégié par les femmes. Elles préfèrent ainsi inscrire leurs doléances (quand elles osent s’exprimer) dans un cadre familial, tribal ou communautaire. À Madagascar, au Bénin, au Mali par exemple, moins de 5 pour cent des femmes s’adressent aux institutions judiciaires publiques (étatiques) pour demander justice (p. 66). Même dans des pays où le système judicaire « formel » fonctionne bien, et où le statut de la famille a été réformé d’une manière donnant aux femmes plus d’autonomie et de droits (comme le Maroc), l’étude souligne le même phénomène (bien qu’avec un pourcentage un peu plus élevé). Ce qui ne conduit pas toujours à rendre justice aux femmes au regard d’un statut inégal entre les sexes.
L’absence tout simplement d’une égalité de fait et d’une certaine appréhension de l’égalité des sexes, ne peut que renforcer la domination « légitime » des normes juridiques discriminatoires imposées par la tradition, la morale, la religion, la culture et, parfois même, le politique. Car même quand le système juridique agit d’une manière « moderne », « les processus de production de la loi » sont « susceptibles de rendre compte des mécanismes de reproduction sociale ou de “domination symbolique” »[v]. Dans le chapitre relatif aux cadres juridiques, l’étude s’appuie sur les différents rapports de la Commission des Nations Unis pour les droits de l’Homme afin de montrer que « le cadre juridique reste souvent fondamentalement défavorable aux femmes dans de nombreux contextes » (p. 24).
Sur le plan politique, l’étude souligne l’importance des mesures prises par certains pays arabes pour renforcer la présence des femmes dans les instances de prise de décision et les assemblées élues, le parlement en particulier[vi]. En outre, il est important de faire remarquer qu’ « un grand nombre de pays disposant d’une représentation des femmes au parlement supérieure à 30 pour cent en Afrique subsaharienne sont sortis d’un conflit, notamment l’Angola, le Burundi, le Mozambique, le Rwanda, l’Afrique du Sud et l’Ouganda » (p. 100). Mais dans plusieurs pays la représentation des femmes dans les parlements reste pourtant faible. Elle est moins de 10 pour cent dans des pays comme le Nigéria, le Congo, la Côte d’Ivoire, la Gambie, le Ghana. Cela montre l’importance d’instaurer des lois imposant des quotas pour les femmes, non seulement dans les postes électifs, mais aussi dans les postes de responsabilité politique, afin d’assurer une participation égale entre les sexes et de mieux tenir compte des préoccupations des femmes.
Précarité, inégalité et fragilité
Innombrables et inhérentes sont les inégalités entre les hommes et les femmes en Afrique. Elles perdurent dans les sphères sociale et économique et se manifestent par différentes formes de marginalisation, d’exclusion, de pauvreté, etc... Les conflits et les guerres ne font qu’accentuer la dépendance sociale et économique des femmes. Les répercussions des conflits sur les femmes sont préjudiciables. « Au Rwanda, on estime qu’entre 250.000 et 500.000 femmes ont été violées en moins de 100 jours, au cours du génocide de 1994 qui a coûté la vie à 800.000 personnes » (p. 85). Et « Dans l’est de la République Démocratique du Congo, au moins 200.000 cas de violence sexuelle, concernant majoritairement des femmes et des filles, ont été enregistrés depuis 1996 » (p. 86). Selon les données rapportées à la Commission vérité et réconciliation de Sierra Leone (réparties par sexe) sur les violations des droits, les femmes ont, plus que les hommes, été obligées de déplacement forcé. Plus que les hommes, elles étaient victimes d’enlèvement. Autant que les hommes, elles étaient victimes de détention arbitraire. À cela s’ajoutent les assassinats, les lynchages, les viols, l’esclavage sexuel, la torture physique, le travail forcé, etc.
Le problème de pauvreté chez les femmes en Afrique demeure omniprésent et irréductible. Phénomène de grande ampleur, la pauvreté a des conséquences néfastes et directes sur la scolarisation des jeunes filles, la violence, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, les conditions de travail, la dépendance, l’état de santé des femmes... Par ces différentes formes, la pauvreté « à visage féminin », se traduit par une exaspération des inégalités sociales et économiques. Les données collectées dans 22 pays sur 25 montrent que les femmes africaines sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les hommes. « Par exemple, au Cameroun, au Malawi, en Namibie, au Rwanda et au Zimbabwe, on trouve que 120 femmes, âgées de 20 à 59 ans, pour 100 hommes, vivent dans des ménages pauvres» (p. 104). La pauvreté est également parmi les facteurs qui diminuent les chances de l’autonomisation des femmes dans la sphère publique comme dans la sphère familiale. Dans des pays comme le Niger, le Sénégal et le Mali, plus de 80% des femmes affirment ne pas avoir leur mot à dire sur les décisions quotidiennes du ménage (p. 53).
Force est de constater que l’intégration de la dimension genre dans les différentes politiques publiques aura certainement des résultats positifs en matière de lutte contre la pauvreté, et l’analphabétisme des femmes. Le rôle des politiques publiques dans la prise des mesures nécessaires pour éliminer les discriminations de genre est primordial. Dix-sept ans après la déclaration de Pékin, les programmes économiques, structurels et sociaux restent insuffisants à réduire la pauvreté en Afrique, malgré le soutien des institutions onusiennes et des ONGs. L’absence de l’intégration de l’approche genre dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté, selon le rapport de la Commission économique pour l’Afrique relatif à l’indice de développement et des inégalités entre les sexes, montre qu’il reste beaucoup à faire pour réduire la pauvreté en général, et chez les femmes en particulier. Les politiques publiques tenant compte du principe d’équité dans la prise de décision et dans l’élaboration des lois ne peuvent ignorer les enjeux de justice de genre liés aux relations entre État et société, au rôle de la religion, des institutions sociales[vii]…
Le renforcement des mécanismes d’ordre juridique, déjà existant, établis par les institutions internationales pour lutter contre les discriminations à l’égard des femmes, la CEDAW en premier lieu, permettra d’assurer un suivi des politiques et des réformes judicaires « sensibles au genre » décidées par les pays l’ayant ratifiée (la CEDAW). Faut-il peut-être rappeler dans ce sens, que les pays africains sont les États qui ont émis le plus de réserves à cette convention, notamment en ce qui concerne les articles relatifs au droit de la famille, « en raison des facteurs culturels ou religieux, limitant ou empêchant leur application » ?
En somme, cette étude apporte, données à l’appui, des exemples variés sur les problèmes liés aux inégalités de genre. Bien documentée, elle constitue une contribution non négligeable à l’étude des rapports de genre sous une approche juridique, à laquelle il manque pourtant des développements.
Ce travail, illustré de nombreuses études de cas, permet de montrer que la quête de justice est indissociable du principe d’égalité. Un principe qui ne peut être réalisé qu’à travers « le renforcement du pouvoir d’action des femmes et leur pleine participation à tous les domaines de la vie sociale », comme le stipule la Déclaration de Pékin de 1995.
Enfin, les recommandations par lesquelles se conclue l’étude, s’appuyant à la fois sur les avancées réalisées et les déficiences, constituent une forme de guide ou une ligne de conduite à suivre pour, sinon faire disparaitre les inégalités de genre, du moins les réduire et assurer l’équité de justice entre les sexes devant la justice. Qu’il s’agisse du recours aux quotas pour accroître le nombre de femmes parlementaires, de la mise en œuvre des programmes de réparations sensibles au genre, ou d’investir dans l’accès des femmes à la justice, … toutes les mesures semblent essentielles aujourd’hui afin de réduire les inégalités qui persistent entre les sexes.
Le problème de pauvreté chez les femmes en Afrique demeure omniprésent et irréductible. Phénomène de grande ampleur, la pauvreté a des conséquences néfastes et directes sur la scolarisation des jeunes filles, la violence, l’esclavage sexuel, la prostitution forcée, les conditions de travail, la dépendance, l’état de santé des femmes... Par ces différentes formes, la pauvreté « à visage féminin », se traduit par une exaspération des inégalités sociales et économiques. Les données collectées dans 22 pays sur 25 montrent que les femmes africaines sont plus susceptibles de vivre dans la pauvreté que les hommes. « Par exemple, au Cameroun, au Malawi, en Namibie, au Rwanda et au Zimbabwe, on trouve que 120 femmes, âgées de 20 à 59 ans, pour 100 hommes, vivent dans des ménages pauvres» (p. 104). La pauvreté est également parmi les facteurs qui diminuent les chances de l’autonomisation des femmes dans la sphère publique comme dans la sphère familiale. Dans des pays comme le Niger, le Sénégal et le Mali, plus de 80% des femmes affirment ne pas avoir leur mot à dire sur les décisions quotidiennes du ménage (p. 53).
Force est de constater que l’intégration de la dimension genre dans les différentes politiques publiques aura certainement des résultats positifs en matière de lutte contre la pauvreté, et l’analphabétisme des femmes. Le rôle des politiques publiques dans la prise des mesures nécessaires pour éliminer les discriminations de genre est primordial. Dix-sept ans après la déclaration de Pékin, les programmes économiques, structurels et sociaux restent insuffisants à réduire la pauvreté en Afrique, malgré le soutien des institutions onusiennes et des ONGs. L’absence de l’intégration de l’approche genre dans les stratégies nationales de réduction de la pauvreté, selon le rapport de la Commission économique pour l’Afrique relatif à l’indice de développement et des inégalités entre les sexes, montre qu’il reste beaucoup à faire pour réduire la pauvreté en général, et chez les femmes en particulier. Les politiques publiques tenant compte du principe d’équité dans la prise de décision et dans l’élaboration des lois ne peuvent ignorer les enjeux de justice de genre liés aux relations entre État et société, au rôle de la religion, des institutions sociales[vii]…
Le renforcement des mécanismes d’ordre juridique, déjà existant, établis par les institutions internationales pour lutter contre les discriminations à l’égard des femmes, la CEDAW en premier lieu, permettra d’assurer un suivi des politiques et des réformes judicaires « sensibles au genre » décidées par les pays l’ayant ratifiée (la CEDAW). Faut-il peut-être rappeler dans ce sens, que les pays africains sont les États qui ont émis le plus de réserves à cette convention, notamment en ce qui concerne les articles relatifs au droit de la famille, « en raison des facteurs culturels ou religieux, limitant ou empêchant leur application » ?
En somme, cette étude apporte, données à l’appui, des exemples variés sur les problèmes liés aux inégalités de genre. Bien documentée, elle constitue une contribution non négligeable à l’étude des rapports de genre sous une approche juridique, à laquelle il manque pourtant des développements.
Ce travail, illustré de nombreuses études de cas, permet de montrer que la quête de justice est indissociable du principe d’égalité. Un principe qui ne peut être réalisé qu’à travers « le renforcement du pouvoir d’action des femmes et leur pleine participation à tous les domaines de la vie sociale », comme le stipule la Déclaration de Pékin de 1995.
Enfin, les recommandations par lesquelles se conclue l’étude, s’appuyant à la fois sur les avancées réalisées et les déficiences, constituent une forme de guide ou une ligne de conduite à suivre pour, sinon faire disparaitre les inégalités de genre, du moins les réduire et assurer l’équité de justice entre les sexes devant la justice. Qu’il s’agisse du recours aux quotas pour accroître le nombre de femmes parlementaires, de la mise en œuvre des programmes de réparations sensibles au genre, ou d’investir dans l’accès des femmes à la justice, … toutes les mesures semblent essentielles aujourd’hui afin de réduire les inégalités qui persistent entre les sexes.
notes
[1] Gérard Leclund, 1983, « L’opposition droit coutume-droit dans les systèmes de reproduction », Droit et culture, n° 6, p. 5-22.
[1] Catharine A. MacKinnon, 2005, Le féminisme irréductible, trad. de l’anglais par Catherine Albertini, Paris, Éditions des Femmes.
[1] Pour plus d’information sur le rôle et les objectifs de cette association voir son site www.baobabwomen.org.
[1] Susan M. O’Brien, 2007, « La charia contestée : démocratie, débat et diversité musulmane dans les ‘États charia’ du Nigeria », Revue Africaine, n° 106, p. 56.
[1] Jacques Commaille, 1994, L’esprit sociologique des lois. Essai de sociologie politique du droit, Paris, PUF, p. 33.
[1] Le cas de l’Algérie est révélateur. Après l’adoption en 2012 d’une loi organique relative au renforcement de la présence des femmes dans les assemblées élues (grâce aux quotas), 31 pour cent des sièges de l’Assemblée Nationale Populaire sont revenus aux femmes à l’occasion des élections de mai 2012. C’est l’un des taux les plus élevés en Afrique.
[1] Voir Mukhopadhyay M. Singh N. Dufresne M. (Dir.), 2009, Justice de genre, citoyenneté et développement, Paris, L’Harmattan.
[1] Catharine A. MacKinnon, 2005, Le féminisme irréductible, trad. de l’anglais par Catherine Albertini, Paris, Éditions des Femmes.
[1] Pour plus d’information sur le rôle et les objectifs de cette association voir son site www.baobabwomen.org.
[1] Susan M. O’Brien, 2007, « La charia contestée : démocratie, débat et diversité musulmane dans les ‘États charia’ du Nigeria », Revue Africaine, n° 106, p. 56.
[1] Jacques Commaille, 1994, L’esprit sociologique des lois. Essai de sociologie politique du droit, Paris, PUF, p. 33.
[1] Le cas de l’Algérie est révélateur. Après l’adoption en 2012 d’une loi organique relative au renforcement de la présence des femmes dans les assemblées élues (grâce aux quotas), 31 pour cent des sièges de l’Assemblée Nationale Populaire sont revenus aux femmes à l’occasion des élections de mai 2012. C’est l’un des taux les plus élevés en Afrique.
[1] Voir Mukhopadhyay M. Singh N. Dufresne M. (Dir.), 2009, Justice de genre, citoyenneté et développement, Paris, L’Harmattan.
Auteur
Belkacem BENZENINE
Pagination
Pages 18-19