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Qu’est-ce que la Postcolonie ? Contribution à un débat francophone trop afrocentré

«On ne sort pas indemne d’un siècle d’africanisme, même traversé de fécondes remises en causes successives. »
Olivier Barlet, Africultures, 28

Cet essai n’a rien d’une élaboration philosophique. Même si la question du titre fait songer à un Kant du « Was ist Aufklärung ? », un Sartre de Qu’est-ce la littérature ? ou encore à un Foucault de « Qu’est-ce que les lumières? ». Il a moins la prétention d’être un exercice théorique. Encore que les discussions sur la postcolonialité ne le sont guère que très rarement. Plutôt, ce texte est la contribution d’un américaniste, observateur de surcroît des sociétés et espaces publics francoafricains de l’après Deuxième Guerre mondiale ; contribution à un débat initié— il y a quelques temps déjà, par A. Waberi dans la revue Notre librairie1. De quoi s’agit-il? Dans sa tentative de caractérisation des écrivains africains francophones, l’écrivain cum critique littéraire djiboutien notait à propos de ce qu’il croit être la dernière génération de ces auteurs ceux qu’il nomme les « enfants de la postcolonie »:
 
C’est toujours une gageure que de prétendre définir un phénomène générationnel et une école littéraire. À défaut d’avoir la science infuse, nous nous contenterons de relever quelques traits communs à une vingtaine d’écrivains africains vivants pour la plupart en France. Est-ce suffisant pour parler d’une véritable génération ? Il est difficile d’être catégorique, mais nous inclinons à penser qu’il y a là quelque chose de nouveau et susceptible d’attirer l’œil du critique. Pour le reste, le débat ne fait que commencer (Waberi 1998:11).
 
Plus loin, Waberi explicite sa pensée lorsqu’il suggère que ce nouveau groupe d’écrivains africains auquel lui-même appartient d’ailleurs pourrait être appelé les « Franco-quelque chose » (Waberi 1998:12). Par là, le romancier djiboutien voulait insister sur l’identité-à-trait-d’union de nombre d’auteurs appartenant à la dernière génération des écrivains francophones africains.
 
Il est difficile, voire prétentieux, de vouloir résumer par le biais de quelques mots la contribution de Waberi, qui d’ailleurs opère sur un mode suggestif. Pour un homme de lettres, quoi de plus normal ! Mais, à l’instar d’autres intellectuels africains qui ont réfléchi sur la thématique postcoloniale, l’écrivain paraît établir un rapport essentiel entre postcolonialité, les territoires anciennement colonisés, les cultures et les artistes issus de ces territoires. Chez lui, comme chez A. Mbembé par exemple, l’événement postcolonial semble alors se donner comme « l’ensemble des choses qui sont arrivées à l’Africain depuis les indépendances » (Mbembé 1991:92, 2000). N’est-ce pas là tomber dans le réductionnisme ? La postcolonialité se résumerait-elle à la seule condition des excolonisés? Qu’en est-il des ex-colons et leurs métropoles ? Le reste de cet article tentera d’étayer ces questions certes rhétoriques mais combien cruciales pour quiconque veut comprendre un événement aussi rétif que le fait postcolonial. Pour ce faire, je partirai d’abord d’une histoire étymologique/ épistémologique du concept de colonisation pour aboutir sur les images éclatées de la postcolonie vue comme un espace géosociologique non-cristallisé traversé par plusieurs temporalités.
De la colonisation : la colonie, les colons et les colonisés
La colonisation a eu dans l’histoire des sociétés humaines un rôle immense. C’est principalement par elle que les races les mieux douées ont prévalu, soit en éliminant les autres, soit en se les subordonnant. Bien qu’on puisse très justement appliquer le mot de colonisation à l’expansion méthodique des Chinois dans l’Asie orientale, des Russes dans l’Asie occidentale, on a surtout réservé ce nom à la fondation de cités ou de groupes sociaux relativement éloignés de la métropole et nettement séparés d’elle ; c’est par mer que se sont accomplies la plupart des expéditions coloniales depuis trois mille années.

C’est par ces mots que La Grande encyclopédie introduit son article sur la colonisation. Malgré son relent ethnocentrique, cette note liminaire a le mérite d’insister sur le caractère multiséculaire du phénomène colonial. Mais le terme de colonisation a une histoire plutôt récente. Car jusqu’au XIVe siècle, l’on ne l’utilise guère en français. Comme le confirme l’Encyclopédie universalis, ce sont « les mots colonie et colon [qui] sont utilisés. » Aussi, il est peut-être judicieux de chercher à définir ces termes. Le Dictionnaire historique de l’ancien langage François (1877) nous enseigne que l’on appelait autrefois colon quelqu’un qui a « cultivé et ensemencé la terre. » En ce sens, un colon était simplement un cultivateur. Si cette définition est proche du latin colere, elle s’avère toutefois partielle. Et pour cause : si à l’origine tout colon est cultivateur, tout cultivateur n’est pas pour autant colon.
 
Pour compléter donc cette première définition, l’on doit se référer au deuxième sens que nous propose Le trésor de la langue française qui définit le colon comme : « celui qui a quitté son pays pour aller occuper, défricher, cultiver une terre de colonisation.» Voila qui éclaire un peu plus. En effet, en mettant en relief le fait de « quitte[r] son pays pour aller … », cette caractérisation a l’avantage de nous rappeler que la colonisation suppose, avant tout, un mouvement de personnes vers un pays, un territoire ou une contrée qui n’est pas originairement la leur. De ce fait, la définition du Trésor de la langue française nous rétablit le lien ontologique entre colonisation et émigration. Mais pas n’importe quelle émigration nous enjoint un A. Girault, chauvin qui précisait déjà à la fin du XIXe siècle que:
 
Pour que l’on puisse parler de colonisation, il faut faire intervenir la réponse à cette question : D’où viennent et où vont les émigrants ? Il faut supposer des émigrants sortis d’un pays civilisé et allant s’établir, soit sur une côte inhabitée, soit sur un territoire occupé par une population sauvage ou tout au moins à demi sauvage, mais qui, dans tous les cas, n’a pu s’élever toute seule jusqu’à la civilisation. On conçoit alors, de la part de ces émigrants, une double action civilisatrice s’exerçant à la fois sur les choses et sur les hommes (Girault 1907:2-3).
 
Des paroles qui feront certes sourire plus d’un chercheur contemporain travaillant sur les questions coloniales. Mais nombreux sont ceux d’entre eux qui continuent à se complaire dans l’écriture d’une histoire unisituée de la colonisation. C’est que la narration du passé colonial a longtemps été dominée par le grand récit de l’homme blanc, héros/héraut d’une civilisation émancipatrice pour le bonheur des indigènes vivant outre-mer, et donc en colonie. À cette manière européocentriste d’écrire l’histoire de la colonisation ont succédé, depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, les récits nationalistes et philo-nationalistes, qui cependant qu’ils décentrent le colon comme acteur premier de la scène coloniale, continuent à centrer la colonie comme le lieu par excellence où se joue le drame de la colonisation.
 
M. Diouf a montré quelles sont, dans le cas africain, les raisons qui expliquent cet état de fait. Avec l’historien sénégalais l’on peut dire certes que l’approche nationalisante rétablissait l’épaisseur actantielle (agency) des colonisés (Diouf 1999:10-14)2; mais écrire le fait colonial à partir de l’Afrique tout en excluant les métropoles des empires coloniaux, c’est là oublier l’aspect le plus saillant de la colonisation : son caractère à la fois transcontinental, interactif et multisitué. N’est-ce pas ce que nous suggérait déjà H. Brunschwig dans le premier numéro des Cahiers d’Études Africaines lorsqu’il définissait les colons comme « ceux qui s’expatrient pour aller cultiver des terres vacantes. Ils forment des colonies qui restent en rapports plus ou moins étroits avec la métropole » (Brunschwig 1960:44, c’est moi qui souligne). Ainsi donc, le fait colonial est un procès qui lie les métropoles des empires avec leurs divers outre-mers dans un rapport dynamique multilatéral. C’est, en tout cas, ce que montrent les travaux de R. Aldrich (1996), A. Conklin (1997), ou de F. Cooper et A. Stoler (1997). Dans le même registre, on pourrait évoquer le travail monumental mais controversé de J. Marseille (1984) sur les entreprises coloniales française ou encore les travaux de certains historiens des « sciences coloniales » (Petitjean 1996 ; Sibeud 2002)3.
 
Mais c’est surtout dans les travaux dirigés par P. Blanchard et S. Lemaire (2003, 2004) que l’on se rend compte que le procès colonial n’était pas seulement un phénomène touchant les sphères de la haute politique en métropole, mais qu’un pan plus large de la société française a été refaçonné dans les rapports de l’Hexagone avec son outre-mer. Et ce en dépit du fait que la relation coloniale était une asymétrie globalement en faveur de la métropole ; en dépit, en effet, du fait que le drame colonial effectuait une relation dissymétrique qui se nourrissait régulièrement des nombreuses modalités de la violence impériale.
 
Ainsi, s’il est vrai que la colonisation a restructuré l’économie des pays colonisés (cf. pacte colonial, extraversion, etc.), s’il est tout aussi probable qu’elle a désarticulé la personnalité des colonisés (cf. indigénat, interdiction des langues locales, etc.), l’on devrait se rappeler aussi qu’elle a interactivement permis à certaines classes sociales métropolitaines de s’enrichir (cf. comptoirs commerciaux) ; et en exhibant l’indigène comme « l’autre absolu » (Mudimbe 1988, Mbembé 2000), elle a permis à d’autres de se rassurer de leur humanité mise en doute par une industrialisation aussi galopante que démoralisante. Vu sous cet angle, le succès des expositions coloniales en métropole ou des publicités métropolitaines mobilisant les indigènes acquiert une intelligibilité plus accrue.
 
Cette histoire du concept de colonisation, quoiqu’elle soit télescopée, aura suggéré qu’en tant que procès, la colonisation était d’abord un événement interactif ; un fait à la fois transcontinental et multisitué. En somme, elle était un processus bidirectionnel dans un univers asymétrique. Et dire cela, c’est rappeler que la rencontre coloniale a créé les cadres de l’émergence de nouvelles sociétés et cultures non seulement branchées entre elles mais aussi (et partiellement à cause de cela) poétiquement métissées. Toutefois si cette logique métisse était déjà à l’œuvre dans la « situation coloniale, »4 elle le deviendra davantage, comme on le verra, après les indépendances lorsque colonies et métropole seront contraintes de signer devant le parterre international leur acte de divorce.
Logiques et Pratiques en Postcolonie : Images éclatées d’un Métissage
Le moins qu’on puisse dire, c’est que la postcolonie est un espace non-cristallisé, un lieu où les pratiques sociales/sociétales ne sont pas exclusivement contrôlées par des États-nations fussent-ils autoritaires. Métaphoriquement, elle évoque ces univers aux contours fluides (scapes) dont parle A. Appadurai (1996) ou même les « contact zones » de Mary L. Pratt (1992). Mais un espace transnational singulièrement in situ plurum. Car elle est cette Afrique plurielle indocile que tente de réhabiliter A. Mbembé (1988); elle est cette nébuleuse franco-africaine que dénonce F.-X. Verschave (2003); elle est aussi cet espace humain habité par « ceux qui ne sont ni tout à fait dedans ni tout à fait dehors » dont parle un Waberi paraphrasant Salman Rushdie (Waberi 1998:15).
 
Plus concrètement, la postcolonie c’est le drame de ces pays africains qui tout en applaudissant le départ de la France (à la faveur des indépendances) ne peuvent concevoir leur destin hors de la Francophonie. Viol de l’imaginaire dénoncera A. Traoré (2002) dans un langage aussi militant qu’anti-colonialiste. La postcolonie, c’est cette langue bâtarde, et donc poétique, qu’exhibe A. Kourouma (1968) dans ses Soleils des indépendances ; elle est ce nouchi parlé dans les rues d’Abidjan, Bouaké, voire de Daloa. De fait, elle est cette prise d’initiatives et cette marge de manoeuvre/autonomie dont se dotent les Africains aux fins de se réapproprier la France (son espace et sa culture) et au besoin la cannibaliser. On conviendra alors avec A. Meddeb (2000) et B. Mongo-Mboussa (2000) que certaines pratiques postcoloniales sont des efforts de décentrement de la France dans ses relations avec son ancien outre-mer.
 
Ainsi, s’il est évident que la logique sous-tendante certaines des pratiques postcoloniales est de maintenir la relation des Africains avec la France dans un rapport exécrable de type paternaliste, d’autres logiques cherchent à capaciter (au sens anglais de empower) ces « damnés de la terre » par le biais d’une reconnaissance de leur épaisseurs actantielles. Mais comme le suggèrent de plus en plus fortement un nombre croissant d’intellectuel(le)s, l’Afrique (ou même les anciennes colonies) n’est pas la scène unique où se joue le drame postcolonial. Il suffit de faire un tour dans un supermarché hexagonal pour s’en convaincre.
 
Plusieurs observateurs américains de la société/culture française ont longtemps re levé les paradoxes de cette autre postcolonie. Ainsi dans son Fast Cars, Clean Bodies, K. Ross (1996) montre que les soubresauts de la décolonisation avaient forcé la France à amorcer sa modernisation, et ce parce qu’elle était mue à la fois par un élan pour se distancier des indigènes (qu’une France de plus en plus marshallisée se les représentait comme sales) et une volonté de réinvestir les capitaux coloniaux en métropole. Cette thèse nous rappelle les propos d’un insider des ballets socio-politiques de la décolonisation, l’administrateur colonial Louis Sanmarco qui déclarait dans son mémoire que « Quand la métropole vit qu’allait se réaliser cette plus grande France, elle eut peur d’y être submergée, et préféra alors l’indépendance pour ses anciennes colonies – et pour elle-même » (Sanmarco 1983:14). Comment en pourrait-il être autrement ? Géographiquement, l’Hexagone n’était-il pas « que la vingt-troisième partie de l’Empire français … [cependant que] la France métropolitaine [avait] le plus grand territoire de l’Europe après la Russie ?»5.
 
Ainsi la crainte d’une submersion de la métropole par les indigènes aurait donc motivé la rupture coloniale. En forçant la métaphore, on pourrait même dire que la peur d’un abâtardissement de la République et ses valeurs par l’invasion massive des « damnés de la terre » aura eu raison des dernières résistances d’un Charles de Gaulle rappelé in extremis en 1958 pour bâtir une Ve République à défaut de sauver la IVe et son empire embrasé. C’est certainement pourquoi Sanmarco pense, entre autres, que la décolonisation ne doit pas être perçue comme un échec. Car de Gaulle « en fit un succès, et la séparation s’opéra dans l’amitié, le général assurant à la France un leadership incontesté » (Sanmarco 1983:14). Mais comme le notent Blanchard et Lemaire, « en réalisant cette décolonisation, de Gaulle se sépare surtout d’un héritage et tente de tourner une page de l’histoire de France sans véritablement mesurer la profondeur de son enracinement » (Blanchard & Lemaire 2004:29).
 
Blanchard et Lemaire n’avaient pas tort. Car le démantèlement de l’empire colonial n’a nullement signifié la fin des interactions à relents paternalistes entre la France et ses (anciens) indigènes. Bien au contraire ! Les accords de coopération signés entre Paris et de nombreuses capitales africaines en sont une preuve. Mais l’enracinement dont parlent Blanchard et Lemaire trouverait aussi sa confirmation dans l’immigration post-coloniale avec les risques supposés qu’elle fait peser sur la cohésion, voire la pureté d’une certaine république française. De fait, la présence en Hexagone d’immigrés provenant des anciennes possessions coloniales françaises ainsi que les politiques d’identité qu’elle alimente, démontrent que la postcolonie, c’est aussi la France. C’est ce que tentaient de montrer, il y a quelque temps, A. Hargreaves et M. McKinney (1997) dans leur ouvrage collectif sur lescultures post-coloniales en France. Plus explicitement, quand Salif Keita (1989) chante son « Nou pas bouger, » quand le Groupe Zebda (1995) psalmodie son « Le Bruit et l’odeur » sur le discours d’un Jacques Chirac plus lepéniste que le Front National, l’on doit penser immédiatement à la postcolonie et aux micropolitiques qui la nourrissent en France. On doit y songer encore plus en observant les « Indigènes de la République » et leurs politiques de la mémoire qui, tout en rappelant à la France qu’elle n’est plus en colonie, lui enjoint de ne pas oublier son passé colonial6.
 
C’est peut-être dans le dernier ouvrage de l’américain H. Lebovics (2004) que l’on se rend compte de l’enracinement de ces pratiques postcoloniales, et surtout de leur caractère capillaire (cf. M. Foucault) et subtilement partagé en France. En effet, prenant la fin de l’empire comme son point de départ, Lebovics nous retrace le parcours de certains des administrateurs coloniaux de la France d’Outre-mer dont Emile Biasini, ancien administrateur en Afrique Equatoriale Française (AEF), qui deviendra un haut fonctionnaire dans l’administration française après les indépendances africaines. En suivant le parcours post-colonial de ce haut fonctionnaire, entre autres, l’historien américain montre comment les pratiques « coloniales » ont été remobilisées pour prolonger le regard disciplinaire de l’État dans les provinces hexagonales. (Et dire que la France voulait se prémunir de la submersion des indigènes des colonies). Il y a certes là une pratique éprouvée de jacobinisme, mais un jacobinisme à la sauce bien tropicale !
En guise de Conclusion
On conviendra que ces quelques lignes lancées ici comme en labour ne donnent pas toute sa valeur heuristique à cette notion aussi rétive que la postcolonie. Tel n’était pas d’ailleurs le but de cet essai. Plutôt, j’ai voulu interpeller sur un fait : le risque de rétrécir la portée du concept de postcolonie (et, partant, de rendre stérile tout le champ sémantique se rattachant à lui) à vouloir le cantonner exclusivement aux réalités des anciennes colonies après leur accession à la souveraineté nationale et internationale. Si l’on accepte que le procès de la colonisation soit fondé sur une « poétique relationnelle » (E. Glissant) qui liait les colonisés, les colons ainsi que diverses catégories sociales en métropole, on admettra alors que les événements postcoloniaux soient également des procès aussi métissés que multisitués. La postcolonie, en ce sens, c’est aussi bien les pays africains que les anciennes métropoles impériales, y compris la France. Plus généralement, la postcolonie ce sont tous ces espaces hétérogènes où les mémoires de la situation coloniale continuent à structurer les désirs et les manières d’être, de vivre et d’habiter le monde des individus et des collectivités après l’effondrement des empires coloniaux7.
 
Dire cela, c’est interpeller les africanistes francophones (surtout ceux et celles qui se considèrent comme des postcolonial scholars) afin qu’ils élargissent les contours de leur champ d’investigation. Car si l’on accepte Le Roman d’un spahi de Pierre Loti ou les nombreux récits de G. Simenon comme faisant partie de la littérature coloniale, pourquoi alors récuser Les Nègres ou Les Paravents de J. Genet, pourquoi ignorer L’État sauvage de Georges Conchon comme des littératures postcoloniales? Dans la même logique, pourquoi les études postcoloniales francophones ne devraientelles pas s’intéresser à des institutions scientifiques telles que l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD, ex- ORSTOM) et faire une anthropologie de leurs pratiques épistémiques en France après les indépendances africaines ? Les européanistes américains, dans leurs travaux récents sur la France, ont ouvert des chantiers, il appartient peut-être aux africanistes des questions postcoloniales de leur emboîter le pas, de peur que leurs productions scientifiques ne restent piteusement unidimensionnelles. 

Bibliographie

Aldrich, R. 1996. Greater France: A History of French Overseas Expansion. New York: St. Martin’s Press.
Appadurai, A. 1996. Modernity at Large: Cultural Dimensions of Globalization. Minneapolis: Minnesota University Press.
Blanchard, P. & Lemaire, S. 2003. Culture coloniale. La France conquise par son empire, 1871-1931. Paris : Autrement.
Blanchard, P. & Lemaire, S (eds.). 2004. Culture impériale. Les colonies au coeur de la République, 1931- 1961. Paris : Autrement.
Brunschwig, H., Janvier. 1960. « Colonisation-Décolonisation: Essai sur le vocabulaire usuel de la politique coloniale » in Cahiers d’Etudes Africaines 1. Paris & La Haye : Mouton & Co.
Conklin, A. 1997. A Mission to Civilize: The Republican Idea of Empire in France and West Africa, 1895- 1930. Stanford: Stanford University Press.
Cooper, F. & Stoler, A. 1997. Tensions of Empire: Colonial Cultures in Bourgeois World. Berkeley: University of California Press.
Diouf, M. 1999. L’historiographie indienne en débat : Colonialisme, nationalisme et sociétés postcoloniales.Paris & Amsterdam : Karthala & Sephis.
Dozon, J.-P. 2003. Frères et sujets. La France et l’Afrique en perspective. Paris, Flammarion.
Girault, A. 1907 [1894]. Principes de colonisation et de législation coloniale, 3eme Ed. Paris : Société du Recueil J.-B. Sirey & du Journal du Palais.
Hargreaves, A &McKinney, M. 1997. Post-Colonial Cultures in France. London: Routledge.
Keita, S. 1989. Ko-yan. Island Records.
Keita, S. 1989. Nous pas bouger/Fe-so. Mango.
Kourouma, A. 1968. Les Soleils des indépendances. Montréal : Presses de l’Université du Québec.
Lebovics, H. 2004. Bringing the Empire Back Home: France in the Global Age. Durham & London: Duke University Press.
Marseille, J. 1984. Empire colonial et capitalisme français. Histoire d’un divorce. Paris: Albin Michel.
Mbembé, A.1988. Afriques indociles : Christianisme, pouvoir et État en société postcoloniale. Paris : Karthala.
Mbembé, A. 1991. « Domaines de la nuit et autorité onirique dans les maquis du Sud-Cameroun (1955- 1958), » Journal of African History, Vol. 32, 1.
Mbembé, A. 2000. De la postcolonie : Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine. Paris : Karthala.
Mongo-Mboussa, B., Mai. 2000. « Le Postcolonialisme revisité » in Africultures ¹ 28. Paris : Harmattan.
Mudimbe, V. Y. 1988. The Invention of Africa. Bloomington : Indiana University Press.
Petitjean, P. 1996. Les Sciences coloniales : Figures et institutions. Paris : ORSTOM Editions.
Pratt, M. L. 1992. Imperial Eyes: Travel Writing and Transculturation. London: Routledge.
Ross, K. 1996. Fast Cars, Clean Bodies: Decolonization and the Reordering of French Culture. Cambridge: The MIT Press.
Sanmarco, L. 1983. Le colonisateur colonisé. Paris : Editions Pierre-Marcel.
Sibeud, E. 2002. Une science coloniale pour l’Afrique ? La construction des savoirs africanistes en France, 1878-1930. Paris : Éditions de l’École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Traoré, A. 2002. Viol de l’imaginaire. Paris : Fayard/Actes Sud.
Verschave, F-X 2003. Françafrique : Le plus long scandale de la République. Paris : Stock. Waberi, A. 1998. « Les Enfants de la postcolonie: Esquisse d’une nouvelle génération d’écrivains francophones d’Afrique noire, » in Notre librairie 135. Paris : Clef, septembre-décembre.
Zebda. 1995. Le Bruit et l’odeur. Barclay.

Notes

1 Notre librairie 135 (Paris : Clef, septembre-décembre 1998).
2 C’est moi qui traduis agency par « épaisseur actantielle ». La référence à A. J. Greimas est évidente. Dans ce même élan, l’on pourrait parler aussi d’« épaisseur agentielle ». Tout en optant pour une telle glose, je suis conscient de l’existence d’autres traductions telles « agencivité » (Josée Tamiozzo), « marge d’autonomie » (Marianne G. Ainley), « agencéité » (Marie-France Labrecque). Mais compte tenu de la plasticité du concept d’agency, ces dernières s’avèrent partielles ou forcées.
3 Signalons que Sibeud fait une distinction entre une « science impériale » plus autonome vis-à-vis du politique et des « sciences coloniales » qui seraient « des sciences nouvelles […] explicitement et entièrement dévouées à la colonisation. » (cf. p. 275-76).
4 Si ce concept fait immanquablement référence à G. Balandier, son utilisation ici est plus large que l’acception balandiérienne. Car la « situation coloniale » recouvre dans le présent essai un espace et des pratiques tant en colonie qu’en métropole.
5 Paul Reynaud, cité in Blanchard & Lemaire 2004:5. « Nous sommes les indigènes de la République !... » (Appel pour les assises de l’anti-colonialisme post-colonial) in http://lmsi.net/article.php3?id_article=336, [accédé le 18 mai 2005]. Voir aussi http://toutesegaux.free.fr/article.php3?id_article=90, [accédé le 18 mai 2005] ou encore http://oumma.com/petition-colonisation.php3?id_article=1355, [accédé le 18 mai 2005]. 7 Même s’il ne le réclame guère, je pense au travail de Jean-Pierre Dozon ( 2003) qui suggère admirablement une telle thèse. Bien sur, il va sans dire que la mémoire de la colonisation n’est pas le seul paramètre qui façonne les individus après l’effondrement des empires. 

Auteur

Abou B.BAMBA

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Pages 16-17

Africa Review of Books / Revue Africaine des Livres

Volume 02 N° 01 - Mars 2006

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