Les interprètes
Par Wole Soyinka
Présence Africiane (France), 1975, l’original, The Interpreters (1965)
413 pages, 10.93 euros, ISBN : 2-708705547.
Présence Africiane (France), 1975, l’original, The Interpreters (1965)
413 pages, 10.93 euros, ISBN : 2-708705547.
L’art nègre demeure une production artistique incontestable2. La principale occupation de cet art vise la recherche africaniste car c’est un aspect pertinent de la culture noire ; il est d’autant plus précieux qu’il est illustré par des objets qui par le biais de l’interprétation d’un message sculptural, musical ou théâtral qu’ils portent, constituent un des moyens de pénétrer les conceptions originales des civilisations africaines. La négritude est un fait rejeté par les anglophones. Ces derniers sont fortement marqués par la pensée pragmatique anglo-saxonne et sont soucieux de définir leur propre nature et d’exprimer autrement leur essence. En effet, la négritude est âprement contestée par les intellectuels noirs anglophones. Auteur de la célèbre citation «le tigre ne proclame pas sa tigritude, il saute sur sa proie », le nigérian Wole Soyinka se fait le porte-parole du groupe de «Africain Personnality».
Soyinka, critique de la négritude
De ce fait, nous avons choisi le roman "Les Interprètes». Dans un premier temps les personnages de ce roman souffrent du regard de l’autre, ils vivent une sorte de mal-être de par leur différence. Ils ne cessent de faire des rapprochements entre le monde des blancs et celui des noirs ; la citation suivante est à ce titre significative : « Tu sais une femme blanche de cette taille serait complètement amorphe ; écœurante. Mais une noire, et bien […] elle est féminine »3 Parallèlement, une autre vision est véhiculée, dans le sens où chaque personnage tient à détruire ce cliché. Ils ne sont plus sous la domination des blancs, mais ils revendiquent le droit de s’approprier la modernité du blanc : « Il faut aller à l’école, comme un être civilisé. Ce grand-père païen que tu as ne saura pas t’apprendre autre chose que de compter les épouses »4
Il s’agit de cette attitude positive qui ne s’aperçoit plus en termes de carence. Chaque personnage tente d’adopter une attitude le plus souvent constructive ; en ce sens qu’il utilise des données occidentales qui sont destinées à réduire et à briser le stéréotype de la négritude. L’illustration suivante est en ce sens plus significative:« L’électricité appartient au gouvernement, nous savons ça les blancs connaissent ça, et l’un d’eux est venu ici et nous l’a dit. Ils savent ce qu’ils disent »5
C’est Sekoni, l’un des principaux personnages, l’ingénieur qui tient ces propos, il tente de rentrer dans une autre optique. Il ne s’agit plus de cette confrontation entre blanc et noir ; il est question d’une autre perception. Selon Aimé Césaire La négritude est:« la conscience d’être nègre et la volonté de l’être et l’obligation de produire des œuvres nègres »6
Ainsi, les personnages des Interprètes franchissent le pas qui sépare la révolte de la révolution en prenant position sur le problème de la condition humaine tout en inscrivant leurs actions dans le monde contemporain. Ils vont, se fonder en tant que système de valeurs culturelles et s’imposer sur le plan politique sous le nom de panafricanisme7.Donc, le continent noir anglophone passe d’une négritude subie à une négritude assumée et revendiquée. En fait, Soyinka dépasse la question raciale et sa négritude devient le pouvoir d’intégrer les valeurs de l’autre (celles des blancs) à ses propres valeurs (celles du noir). Il développe ainsi, une attitude qui rejette la notion de carence.
En somme la négritude est tenue à être dépassée en termes de valeurs propres au patrimoine négro-africain. Selon Aimé Césaire la négritude est la « conscience d’être noir, la simple reconnaissance d’un fait, qui implique une acceptation, une prise en charge de son destin de noir, de son histoire et de sa culture »8.
Le passage suivant des Interprètes est significatif dans le sens où le personnage tient à dépasser la question raciale : « Mon objection serait contre : nègre, coloré, pigmenté ou n’importe quels euphémismes idiots […] Pourquoi les gens sont-ils si susceptibles ? »9
Il s’agit de cette attitude positive qui ne s’aperçoit plus en termes de carence. Chaque personnage tente d’adopter une attitude le plus souvent constructive ; en ce sens qu’il utilise des données occidentales qui sont destinées à réduire et à briser le stéréotype de la négritude. L’illustration suivante est en ce sens plus significative:« L’électricité appartient au gouvernement, nous savons ça les blancs connaissent ça, et l’un d’eux est venu ici et nous l’a dit. Ils savent ce qu’ils disent »5
C’est Sekoni, l’un des principaux personnages, l’ingénieur qui tient ces propos, il tente de rentrer dans une autre optique. Il ne s’agit plus de cette confrontation entre blanc et noir ; il est question d’une autre perception. Selon Aimé Césaire La négritude est:« la conscience d’être nègre et la volonté de l’être et l’obligation de produire des œuvres nègres »6
Ainsi, les personnages des Interprètes franchissent le pas qui sépare la révolte de la révolution en prenant position sur le problème de la condition humaine tout en inscrivant leurs actions dans le monde contemporain. Ils vont, se fonder en tant que système de valeurs culturelles et s’imposer sur le plan politique sous le nom de panafricanisme7.Donc, le continent noir anglophone passe d’une négritude subie à une négritude assumée et revendiquée. En fait, Soyinka dépasse la question raciale et sa négritude devient le pouvoir d’intégrer les valeurs de l’autre (celles des blancs) à ses propres valeurs (celles du noir). Il développe ainsi, une attitude qui rejette la notion de carence.
En somme la négritude est tenue à être dépassée en termes de valeurs propres au patrimoine négro-africain. Selon Aimé Césaire la négritude est la « conscience d’être noir, la simple reconnaissance d’un fait, qui implique une acceptation, une prise en charge de son destin de noir, de son histoire et de sa culture »8.
Le passage suivant des Interprètes est significatif dans le sens où le personnage tient à dépasser la question raciale : « Mon objection serait contre : nègre, coloré, pigmenté ou n’importe quels euphémismes idiots […] Pourquoi les gens sont-ils si susceptibles ? »9
Les personnages des Interprètes
Wole Soyinka, l’écrivain nigérian est sensible à un autre style d’écriture. Il donne la primauté à ses références culturelles qui émanent de sa tribu Yoruba10 tout en intégrant ses connaissances sur la littérature et surtout sur le théâtre dramatique Anglais. Le texte des Interprètes11 exprime cet imaginaire mythique gouverné par le sacré tout en étant caractérisé par une écriture théâtralisée, c’est-à-dire mise en scène. Le sacré est vécu dans sa totalité, en ce sens que l’homme et les divinités ne font qu’une entité. La pensée africaine considère l’homme uni au cosmos. L’être humain et la nature vivent en parfaite harmonie. En effet, cette pensée reste coexistante aux données mythiques. Elle est même sa raison discursive.
Notre corpus d’analyse est produit à partir d’une réalité, une trame sociohistorique, culturelle et même politique. De ce fait l’écrivain nigérian projette la représentation de cette réalité et tente de l’organiser en une fiction où la dimension mythique et symbolique est dominante.
Une brève présentation des corpus permettra de mieux comprendre comment le thème du sacré, est abordé dans cette production africaine.
Les interprètes de Wole Soyinka (re)présentent un groupe de jeunes intellectuels nigérians qui essayent de donner un sens à leur vie et à leur talent dans une société où le cynisme et l’ascension sociale les poussent au désespoir. Ces six intellectuels nigérians commentent leurs expériences africaines, confrontés à un climat confus et ambigu : «Sagoe» le journaliste, «Sekoni» l’ingénieur, «Egbo » le fils d’un pasteur et d’une princesse, « Bandele» le professeur d’université, «Lasunwon» l’homme de loi et « Kola » le peintre.
Tous sont des amis d’enfance qui se retrouvent au pays, après avoir terminé leurs études à l’étranger. Ce petit cercle d’amis, marqué de personnalités si diverses, laisse apercevoir entre eux un lien existentiel : ils sont tous à la recherche d’eux-mêmes et forment une génération spirituelle dont l’idéal serait la synthèse entre la tradition, le sens de la race et le développement moderne de l’Afrique. Tous sont brûlés d’une énergie intérieure, mûs par un élan
vital qui s’infléchit suivant les obstacles et crée un monde bouillonnant dans une atmosphère à la fois burlesque et poignante.
Wole Soyinka, l’auteur des Interprètes a avancé ses personnages comme pour déconstruire une idéologie et (re)construire une organisation plus profonde c'est-à-dire plus ancrée dans sa culture, Yoruba ; ce roman est pertinent à un double point de vue : d’une part il est écrit par un homme particulièrement sensible au théâtre dramatique et d’autre part, il est engagé politiquement. Ces personnages ne traduisent-ils pas leur propre sens ? Un sens corroboré à l’intérieur d’un autre vécu différent du leur, d’où probablement le sens de l’ambivalence. Ces mêmes personnages sont interprétés en une sorte de crise spirituelle car souvent leurs esprits s’identifient à des divinités et chacune d’elles tient à défendre une idéologie, un sens visiblement ancré dans leur tribuYoruba.
Ainsi, toute la lisibilité du texte Soyinka tourne autour de la lecture/écriture du monde sacré des divinités. Le texte des Interprètes semble fonctionner dans un imaginaire symbolique et mythique. Le monde des divinités se dispute l’espace de l’imaginaire africain qui exprime une certaine conception du monde et rend compte avant tout de l’insertion d’un groupe donné dans un espace donné. Dans cet imaginaire, l’auteur glisse dans son propre délire spirituel, et la culture participe au mouvement du vécu et ne peut être isolée du quotidien. Il en est ainsi pour Wole Soyinka.
Avec Les interprètes de Soyinka, nous allons habiter une réalité africaine fondée sur une tradition immuable. Cependant nous voyagerons avec ces personnages dans une mouvance évolutionniste. Avec cet évolutionnisme, les principaux interprètes véhiculent la présence à part entière des divinités dans la société africaine. Celles-ci postulent « l’unité même de l’espèce humaine », et l’origine commune des peuples africains12.
Notre corpus d’analyse est produit à partir d’une réalité, une trame sociohistorique, culturelle et même politique. De ce fait l’écrivain nigérian projette la représentation de cette réalité et tente de l’organiser en une fiction où la dimension mythique et symbolique est dominante.
Une brève présentation des corpus permettra de mieux comprendre comment le thème du sacré, est abordé dans cette production africaine.
Les interprètes de Wole Soyinka (re)présentent un groupe de jeunes intellectuels nigérians qui essayent de donner un sens à leur vie et à leur talent dans une société où le cynisme et l’ascension sociale les poussent au désespoir. Ces six intellectuels nigérians commentent leurs expériences africaines, confrontés à un climat confus et ambigu : «Sagoe» le journaliste, «Sekoni» l’ingénieur, «Egbo » le fils d’un pasteur et d’une princesse, « Bandele» le professeur d’université, «Lasunwon» l’homme de loi et « Kola » le peintre.
Tous sont des amis d’enfance qui se retrouvent au pays, après avoir terminé leurs études à l’étranger. Ce petit cercle d’amis, marqué de personnalités si diverses, laisse apercevoir entre eux un lien existentiel : ils sont tous à la recherche d’eux-mêmes et forment une génération spirituelle dont l’idéal serait la synthèse entre la tradition, le sens de la race et le développement moderne de l’Afrique. Tous sont brûlés d’une énergie intérieure, mûs par un élan
vital qui s’infléchit suivant les obstacles et crée un monde bouillonnant dans une atmosphère à la fois burlesque et poignante.
Wole Soyinka, l’auteur des Interprètes a avancé ses personnages comme pour déconstruire une idéologie et (re)construire une organisation plus profonde c'est-à-dire plus ancrée dans sa culture, Yoruba ; ce roman est pertinent à un double point de vue : d’une part il est écrit par un homme particulièrement sensible au théâtre dramatique et d’autre part, il est engagé politiquement. Ces personnages ne traduisent-ils pas leur propre sens ? Un sens corroboré à l’intérieur d’un autre vécu différent du leur, d’où probablement le sens de l’ambivalence. Ces mêmes personnages sont interprétés en une sorte de crise spirituelle car souvent leurs esprits s’identifient à des divinités et chacune d’elles tient à défendre une idéologie, un sens visiblement ancré dans leur tribuYoruba.
Ainsi, toute la lisibilité du texte Soyinka tourne autour de la lecture/écriture du monde sacré des divinités. Le texte des Interprètes semble fonctionner dans un imaginaire symbolique et mythique. Le monde des divinités se dispute l’espace de l’imaginaire africain qui exprime une certaine conception du monde et rend compte avant tout de l’insertion d’un groupe donné dans un espace donné. Dans cet imaginaire, l’auteur glisse dans son propre délire spirituel, et la culture participe au mouvement du vécu et ne peut être isolée du quotidien. Il en est ainsi pour Wole Soyinka.
Avec Les interprètes de Soyinka, nous allons habiter une réalité africaine fondée sur une tradition immuable. Cependant nous voyagerons avec ces personnages dans une mouvance évolutionniste. Avec cet évolutionnisme, les principaux interprètes véhiculent la présence à part entière des divinités dans la société africaine. Celles-ci postulent « l’unité même de l’espèce humaine », et l’origine commune des peuples africains12.
Le sacré dans la culture Yoruba
En fait, le sacré est l’épistème de l’identité nigériane. La présence de la divinité est riche d’images et de symboles dans la littérature africaine noire. Elle impose le statut existentiel de la culture noire.
Wole Soyinka, tente de mettre en lumière à travers Les Interprètes sa culture «Yorouba»13, une culture qui baigne dans la sphère du sacré, considérée comme étant «la foi dans la permanence des valeurs»14, d’où le jeu loin d’être ludique des forces divines.
Parler du sacré dans Les interprètes, serait une force voire une puissance de la société nigériane, il est perçu avec raison par ses membres comme conscience des ressources de la tradition noire. Ce sacré qui est le fondement culturel de la société nigériane, est vécu dans une symbiose du visible et de l’invisible, de l’homme et du cosmos. Cette conception de symbiose fait que tous les contraires s’allient. Cette réalité instaure un caractère harmonieux dont le fonctionnement induit une volonté de« changer le monde ».
En fait, cette forme scripturale nous conduit à une réalité ethnologique africaine. Cette dernière est marquée par une logique particulière véhiculant « une relation ontologique entre les divinités intermédiaires, les esprits et les hommes vivants ou morts ».15Dans Les Interprètes, le rapport au sacré nous conduit vers le pôle où tout converge. Il annihile les contraires qui créent une unité hors norme. N’est-ce pas la définition même du surréalisme ? Cette supra-réalité est donc de nature divine : les personnages vivent avec l’esprit des dieux. Elle se manifeste également dans le phénomène de résurrection où la vie et la mort ne forment qu’une entité.
Avec les personnages des Interprètes nous vivons cet espace qui englobe les vivants et les morts, le visible et l’invisible, les ancêtres proches et lointains. Tous les personnages du roman vivent dans cette surréalité. Celle-ci ne peut se concevoir hors de ce système des divinités.
En fait, l’ordre du discours des Interprètes tient de la logique et de l’imaginaire. Cette rencontre installe le sacré comme structure épistémologique de l’œuvre. Nous définissons l’espace du sacré comme « la pierre d’angle de l’expérience religieuse »16. L’approche touche un point pertinent lorsqu’il dit que l’homme africain n’a conscience du monde réel que dans sa liaison avec le sacré, car seule « cette expérience permet de comprendre et de vivre […] elle est la source même de la conscience même de l’existence »17
L’homme africain vit dans ce mystère sans se poser de questions, tout comme dans le passage ci-dessus, il implique des non-dits dans sa tentative de transcender le temporel et d’entrer en contact avec des forces invisibles :
« Il avait déjà échappé une fois, peut être pensait-il que je serais toujours là pour le sauver ? »18
Il va sans dire qu’il s’agit évidemment des réalités sacrées, celui-ci est le réel par excellence, le surréel dans le sens des surréalistes. L’homme négro-africain, plus il s’inscrit dans l’optique sacrale tout en faisant honneur à ses croyances et à ses divinités, et plus il disposera de modèles exemplaires pour ses comportements et ses actions et c’est dans ce sens qu’il s’insère dans le réel19
.
L’homme africain ne peut prendre conscience de la réalité qu’en faisant appel au sacré. Les personnages des Interprètes vivent un «entre-deux» en faisant appel à la connaissance du surnaturel sans rejeter la logique, l’un n’exclut pas l’autre.
En fait, bien que les personnages des Interprètes demeurent profondément imbibés dans leur croyance Yoruba, il n’en demeure pas moins qu’ils souhaiteraient se détacher de cette obligation. Seulement, ils craignent un plus grand châtiment s’ils décidaient de briser certaines lois sacrales.
Les deux personnages sont pris entre les deux formes de pensée ; ils ont l’inconscient de l’homme noir tout en ayant l’expérience de l’homme blanc. Cette expérience leur dicte souvent le rejet de la forme de pensée de l’homme noir que leur inconscient maintient avec force.
Ainsi, le monde des Interprètes est ce monde harmonieux dans lequel vivaient les hommes et le cosmos. Celui-ci est à la fois « un organisme réel, vivant et sacré »20. La démarche d’Eliade s’inscrit dans ce hors norme qui est indissoluble de la norme : « Vous travaillez sur une énorme toile qui contiendra tous les Dieux […] Elle n’est pas arrivée au point où le sens est clair »21Avec le personnage de «Kola», l’artiste peint une toile qui contient tous les Dieux et tente de mettre en relief deux points de vue. Le premier tient à réactualiser des figures divines comme pour assumer une humanité qui a un modèle trans humain d’où le phénomène hors norme est en parallèle, c’est une façon de maintenir la sainteté de la communauté. Le second point de vue s’exprime dans le fait que où « Kola », cet artiste peintre n’arrive pas encore à donner un «sens clair »22 à sa toile ou encore à sa pensée, car il semble trouver des difficultés à éclaircir son sens entre sacré et réalité.
Le sacré dont il est question désigne aussi, tout ce qui est vénéré par l’homme. Les interprètes vivent justement dans un monde saturé de valeurs sacrales. Ils introduisent des mises au point de la connaissance négro africaine. Ces valeurs tournent autour du rituel, du sacrifice, et de la résurrection.
Wole Soyinka, tente de mettre en lumière à travers Les Interprètes sa culture «Yorouba»13, une culture qui baigne dans la sphère du sacré, considérée comme étant «la foi dans la permanence des valeurs»14, d’où le jeu loin d’être ludique des forces divines.
Parler du sacré dans Les interprètes, serait une force voire une puissance de la société nigériane, il est perçu avec raison par ses membres comme conscience des ressources de la tradition noire. Ce sacré qui est le fondement culturel de la société nigériane, est vécu dans une symbiose du visible et de l’invisible, de l’homme et du cosmos. Cette conception de symbiose fait que tous les contraires s’allient. Cette réalité instaure un caractère harmonieux dont le fonctionnement induit une volonté de« changer le monde ».
En fait, cette forme scripturale nous conduit à une réalité ethnologique africaine. Cette dernière est marquée par une logique particulière véhiculant « une relation ontologique entre les divinités intermédiaires, les esprits et les hommes vivants ou morts ».15Dans Les Interprètes, le rapport au sacré nous conduit vers le pôle où tout converge. Il annihile les contraires qui créent une unité hors norme. N’est-ce pas la définition même du surréalisme ? Cette supra-réalité est donc de nature divine : les personnages vivent avec l’esprit des dieux. Elle se manifeste également dans le phénomène de résurrection où la vie et la mort ne forment qu’une entité.
Avec les personnages des Interprètes nous vivons cet espace qui englobe les vivants et les morts, le visible et l’invisible, les ancêtres proches et lointains. Tous les personnages du roman vivent dans cette surréalité. Celle-ci ne peut se concevoir hors de ce système des divinités.
En fait, l’ordre du discours des Interprètes tient de la logique et de l’imaginaire. Cette rencontre installe le sacré comme structure épistémologique de l’œuvre. Nous définissons l’espace du sacré comme « la pierre d’angle de l’expérience religieuse »16. L’approche touche un point pertinent lorsqu’il dit que l’homme africain n’a conscience du monde réel que dans sa liaison avec le sacré, car seule « cette expérience permet de comprendre et de vivre […] elle est la source même de la conscience même de l’existence »17
L’homme africain vit dans ce mystère sans se poser de questions, tout comme dans le passage ci-dessus, il implique des non-dits dans sa tentative de transcender le temporel et d’entrer en contact avec des forces invisibles :
« Il avait déjà échappé une fois, peut être pensait-il que je serais toujours là pour le sauver ? »18
Il va sans dire qu’il s’agit évidemment des réalités sacrées, celui-ci est le réel par excellence, le surréel dans le sens des surréalistes. L’homme négro-africain, plus il s’inscrit dans l’optique sacrale tout en faisant honneur à ses croyances et à ses divinités, et plus il disposera de modèles exemplaires pour ses comportements et ses actions et c’est dans ce sens qu’il s’insère dans le réel19
.
L’homme africain ne peut prendre conscience de la réalité qu’en faisant appel au sacré. Les personnages des Interprètes vivent un «entre-deux» en faisant appel à la connaissance du surnaturel sans rejeter la logique, l’un n’exclut pas l’autre.
En fait, bien que les personnages des Interprètes demeurent profondément imbibés dans leur croyance Yoruba, il n’en demeure pas moins qu’ils souhaiteraient se détacher de cette obligation. Seulement, ils craignent un plus grand châtiment s’ils décidaient de briser certaines lois sacrales.
Les deux personnages sont pris entre les deux formes de pensée ; ils ont l’inconscient de l’homme noir tout en ayant l’expérience de l’homme blanc. Cette expérience leur dicte souvent le rejet de la forme de pensée de l’homme noir que leur inconscient maintient avec force.
Ainsi, le monde des Interprètes est ce monde harmonieux dans lequel vivaient les hommes et le cosmos. Celui-ci est à la fois « un organisme réel, vivant et sacré »20. La démarche d’Eliade s’inscrit dans ce hors norme qui est indissoluble de la norme : « Vous travaillez sur une énorme toile qui contiendra tous les Dieux […] Elle n’est pas arrivée au point où le sens est clair »21Avec le personnage de «Kola», l’artiste peint une toile qui contient tous les Dieux et tente de mettre en relief deux points de vue. Le premier tient à réactualiser des figures divines comme pour assumer une humanité qui a un modèle trans humain d’où le phénomène hors norme est en parallèle, c’est une façon de maintenir la sainteté de la communauté. Le second point de vue s’exprime dans le fait que où « Kola », cet artiste peintre n’arrive pas encore à donner un «sens clair »22 à sa toile ou encore à sa pensée, car il semble trouver des difficultés à éclaircir son sens entre sacré et réalité.
Le sacré dont il est question désigne aussi, tout ce qui est vénéré par l’homme. Les interprètes vivent justement dans un monde saturé de valeurs sacrales. Ils introduisent des mises au point de la connaissance négro africaine. Ces valeurs tournent autour du rituel, du sacrifice, et de la résurrection.
La normalité africaine
Toutes ces thématiques sont vécues comme une normalité qui explique l’existence même de l’individu africain noir. Le passage suivant met en relief la première thématique, celle du sacrifice. Il s ‘agit de cette offrande destinée à acquérir la faveur des dieux ; il est question de cette action d’immolation réelle :
« Pourquoi avez-vous besoin du bélier ? Vous avez déjà eu votre sacrifice. Et pendant un moment, il avait semblé qu’Egbo allait plonger le couteau dans sa gorge, et ils étaient tous restés horrifiés ; entourant les relents du sang et les artères battantes de la gorge tranchée. Mais Egbo fait un mouvement badin avec le couteau, dans sa direction, et un mince filet de sang laissa une marque au travers de la chemise de Bandele. Aussitôt l’atmosphère se détendit, et le rire remplaça ce moment irraisonné d’antagonisme ; l’idée d’un bélier noir et son sang coagule, Bandele sourit se souvenant qu’après tout cela était aussi pour Sekoni »23
Ce sacrifice a eu lieu pour deux raisons : la première se formule dans la célébration qui concerne l’exposition de « Sekoni » [un personnage mort]. La seconde est un hommage pour le même personnage, c’est-à-dire à la mémoire de Sekoni. La seconde thématique est celle du rituel ; une sorte de cérémonie dans laquelle l’homme imite les «les gestes exemplaires des dieux »24.
«Simi» est une déesse qui a aussi son rituel ; pour assurer l’atmosphère de l’amour elle a recours, elle aussi à des cérémonies : « Simi avait aussi son rituel, solennellement, elle enfermait d’abord son pantalon à lui dans l’armoire et suspendait la clef à un long fil qui pendait presque jusqu’au sol »25.
Cette activité cérémonielle relève probablement d’un des « vestiges de structure qui met en évidence les exigences de socialisation »26 éprouvées par les personnages du texte. Par le biais de Simi nous (re)découvrons les habitudes et les besoins quotidiens du peuple africain.
Le rituel entretenu par «Simi» semble avoir un but précis car elle utilise le «pantalon d’Egbo pour réaliser et exécuter un comportement. Aussi, elle semble réactualiser des gestes autrefois utilisés par des modèles divins. Autrement dit « Simi » relève en quelque sorte « les archétypes » de sa croyance qui se « déroulent dans une atmosphère imbibée de sacré »27. Nous supposons que l’acte entrepris par Simi .reflète la pensée profondément ancestrale.
Discourir sur le sacré sous-entend notamment la vie et la mort. Avec Les Interprètes nous sommes frappés par le phénomène de résurrection : une vie, une mort ensuite une autre vie sous un autre aspect. Pour les personnages des interprètes, vivre c’est participé à la vie sacrée des ancêtres.
La dernière thématique, celle de la résurrection, est perçue comme une vraie continuation de l’individu après la mort. Bien que ces interprètes aient une formation occidentale28 , il n’en demeure pas moins qu’ils ont gardé cette pensée traditionnelle. Le passage suivant est à ce titre fermement significatif : « Lazare, sous l’arc d’un rayon de lune traversant le ciel et la terre, ténu comme un fantôme et las comme la résurrection.»29
Le personnage de « Lazare » laisse entendre qu’il a le pouvoir de faire revivre l’âme ; en parlant de la mort définitive de «Noé». D’ailleurs, il est convaincu de sa puissance hors norme, et pense même qu’il aurait pu le sauver s’il était arrivé plutôt sur les lieux : «Pensait-il que je serais toujours là pour le sauver »30
Ce que l’on constate dans l’œuvre des interprètes c’est la perspective mythique qui décrit l’irruption du sacré dans le réel africain. Cette vision demeure encore dans l’imaginaire négro-africain, car le monde existe avant tout parce qu’il a été crée par les Dieux. Tous les dérivés du sacré semblent encore une fois confirmer l’imaginaire originel de l’expression négro-africaine.
La particularité de cette œuvre, c’est que Soyinka installe la pulsion de la mort comme une expression sacrale qui pèse sur l’être et fait obstacle au néant, à l’ombre de la vie ; la mort se trame.
La vie des personnages de Soyinka témoigne de cette constante interaction entre la vie et la mort, le réel et l’irréel, le naturel et le surnaturel, le profane et le sacré.
Nous tiendrons compte du personnage en tant que signe fondamental, stratégique et constitutif de la fiction participant au code général de l’œuvre qui nous préoccupe. Le personnage peut se définir comme une sorte de morphème doublement articulé: il peut être «référentiel», en ce sens qu’il renvoie à un sens immobilisé par une culture et « dont la lisibilité dépend directement du degré de participation du lecteur à cette culture »31.
« Pourquoi avez-vous besoin du bélier ? Vous avez déjà eu votre sacrifice. Et pendant un moment, il avait semblé qu’Egbo allait plonger le couteau dans sa gorge, et ils étaient tous restés horrifiés ; entourant les relents du sang et les artères battantes de la gorge tranchée. Mais Egbo fait un mouvement badin avec le couteau, dans sa direction, et un mince filet de sang laissa une marque au travers de la chemise de Bandele. Aussitôt l’atmosphère se détendit, et le rire remplaça ce moment irraisonné d’antagonisme ; l’idée d’un bélier noir et son sang coagule, Bandele sourit se souvenant qu’après tout cela était aussi pour Sekoni »23
Ce sacrifice a eu lieu pour deux raisons : la première se formule dans la célébration qui concerne l’exposition de « Sekoni » [un personnage mort]. La seconde est un hommage pour le même personnage, c’est-à-dire à la mémoire de Sekoni. La seconde thématique est celle du rituel ; une sorte de cérémonie dans laquelle l’homme imite les «les gestes exemplaires des dieux »24.
«Simi» est une déesse qui a aussi son rituel ; pour assurer l’atmosphère de l’amour elle a recours, elle aussi à des cérémonies : « Simi avait aussi son rituel, solennellement, elle enfermait d’abord son pantalon à lui dans l’armoire et suspendait la clef à un long fil qui pendait presque jusqu’au sol »25.
Cette activité cérémonielle relève probablement d’un des « vestiges de structure qui met en évidence les exigences de socialisation »26 éprouvées par les personnages du texte. Par le biais de Simi nous (re)découvrons les habitudes et les besoins quotidiens du peuple africain.
Le rituel entretenu par «Simi» semble avoir un but précis car elle utilise le «pantalon d’Egbo pour réaliser et exécuter un comportement. Aussi, elle semble réactualiser des gestes autrefois utilisés par des modèles divins. Autrement dit « Simi » relève en quelque sorte « les archétypes » de sa croyance qui se « déroulent dans une atmosphère imbibée de sacré »27. Nous supposons que l’acte entrepris par Simi .reflète la pensée profondément ancestrale.
Discourir sur le sacré sous-entend notamment la vie et la mort. Avec Les Interprètes nous sommes frappés par le phénomène de résurrection : une vie, une mort ensuite une autre vie sous un autre aspect. Pour les personnages des interprètes, vivre c’est participé à la vie sacrée des ancêtres.
La dernière thématique, celle de la résurrection, est perçue comme une vraie continuation de l’individu après la mort. Bien que ces interprètes aient une formation occidentale28 , il n’en demeure pas moins qu’ils ont gardé cette pensée traditionnelle. Le passage suivant est à ce titre fermement significatif : « Lazare, sous l’arc d’un rayon de lune traversant le ciel et la terre, ténu comme un fantôme et las comme la résurrection.»29
Le personnage de « Lazare » laisse entendre qu’il a le pouvoir de faire revivre l’âme ; en parlant de la mort définitive de «Noé». D’ailleurs, il est convaincu de sa puissance hors norme, et pense même qu’il aurait pu le sauver s’il était arrivé plutôt sur les lieux : «Pensait-il que je serais toujours là pour le sauver »30
Ce que l’on constate dans l’œuvre des interprètes c’est la perspective mythique qui décrit l’irruption du sacré dans le réel africain. Cette vision demeure encore dans l’imaginaire négro-africain, car le monde existe avant tout parce qu’il a été crée par les Dieux. Tous les dérivés du sacré semblent encore une fois confirmer l’imaginaire originel de l’expression négro-africaine.
La particularité de cette œuvre, c’est que Soyinka installe la pulsion de la mort comme une expression sacrale qui pèse sur l’être et fait obstacle au néant, à l’ombre de la vie ; la mort se trame.
La vie des personnages de Soyinka témoigne de cette constante interaction entre la vie et la mort, le réel et l’irréel, le naturel et le surnaturel, le profane et le sacré.
Nous tiendrons compte du personnage en tant que signe fondamental, stratégique et constitutif de la fiction participant au code général de l’œuvre qui nous préoccupe. Le personnage peut se définir comme une sorte de morphème doublement articulé: il peut être «référentiel», en ce sens qu’il renvoie à un sens immobilisé par une culture et « dont la lisibilité dépend directement du degré de participation du lecteur à cette culture »31.
Un effet de réel
Les personnages des Interprètes renvoient à un sens fixe, immobilisé par leur culture. Ils serviront d’ancrage référentiel qui renvoie à une idéologie propre au Nigeria. Ils assurent donc ce que Barthes appelle un «effet de réel»32. Les personnages des Interprètes appartiennent à cette catégorie de personnages embrayeurs. Ce sont des porte parole, ils tissent dans l’énoncé un réseau d’appel et de rappel causal. Cela nécessite la connaissance des présupposés et du contexte. Selon Philipe Hamon, le personnage est ce « faisceau de relation de ressemblance, d’opposition de hiérarchie et d’ordonnancement (sa distribution) qu’il contracte, successivement ou/et simultanément, avec les autres personnages et élément de l’œuvre »33.
En fait, tous ces personnages tissent un sens, celui de mettre essentiellement un lien entre tradition et modernité. Le roman des Interprètes contient des personnages qui se caractérisent par ce pouvoir de symboliser la réalité et la pensée.
Les personnages des Interprètes représentent la forme la plus haute d’une faculté qui est inhérente à la condition humaine, la faculté de symboliser. Il s’agit de cette faculté à représenter le réel par des signes à interpréter.
Ces signes sont fortement connotés : leurs signifiants prennent l’allure de masques, dont le rôle est le même que celui des masques au théâtre. Une des définitions du masque africain est celle de W.Fagg «tous les objets auxquels le nom de ‘’ masque‘’ doit être attribué peuvent se définir en deux mots : ils masquent. Cela signifie qu’ils cachent ou suppriment l’identité »34.
Ils masquent au sens propre et aussi au figuré : celui qui les porte l’aide à personnifier une force, un esprit ou un dieu. Et cela est d’autant plus vrai que Wole Soyinka est un homme de théâtre par excellence. Il a écrit une quinzaine de pièces théâtrales, dont certaines ont été jouées dans plusieurs pays.
Il est plus facile de lire le texte des Interprètes comme une pièce dramatique appartenant au théâtre africain (sachant que Wole Soyinka est un homme qui donne une étendue privilège au monde du théâtre) qui emprunte des masques cachant pour mieux dénoncer une réalité. Le port du masque est d’abord une nécessité : il donne à chacun le sentiment de son appartenance au groupe ; il permet de consolider l’ordre de la communauté véhiculant des messages voire des codes indispensables à celui qui porte le masque35.
Ensuite, le masque nigérian apparaît comme un instant d’éternité permettant la rencontre des personnages avec des divinités. Il a une puissance magique ; le porteur « est prêt à recevoir son Dieu dans son âme »36. Ce roman met ainsi en place un jeu centré autour de l’identification et de l’union avec une divinité.
Enfin, la portée de ce rôle masqué dans Les Interprètes est de nature spécifique, en ce sens que les personnages tentant de résoudre le conflit culture africaine/acquis occidental qui les mine, n’enlèvent pas le masque mais lui donnent une profondeur en l’intégrant à ce qu’il cache :leur nature profonde. Le masque n’est pas supprimé, mais son port participe à la résolution du conflit. Nous sommes donc loin du sens qu’on lui donne habituellement. Comme l’a noté Fagg, il cache l’identité seulement chez Soyinka et participe en même temps à la découverte de cette identité. Il est fait d’absence présence.
L’auteur anglophone Soyinka est fortement marqué par la pensée pragmatique anglo-saxonne d’où le souci de définir sa propre nature et d’exprimer son essence. Le recours à l’histoire des divinités a pour but de mettre en avant la création de mythes qui « galvanisent le peuple et le portent en avant »37.
Lalèyê écrit à propos des Yorubas : « Ce qui est sacré dans l’être humain c’est la vie. Le souffle de vie que Olodumar a pu mettre en lui. La personne est donc une valeur sacrée pour cette première raison »38.
Le monde des divinités est indissociable de celui des hommes, le fait d’utiliser des figures hors norme, n’exclut pas un discours chargé de sens raisonnable.
En fait, tous ces personnages tissent un sens, celui de mettre essentiellement un lien entre tradition et modernité. Le roman des Interprètes contient des personnages qui se caractérisent par ce pouvoir de symboliser la réalité et la pensée.
Les personnages des Interprètes représentent la forme la plus haute d’une faculté qui est inhérente à la condition humaine, la faculté de symboliser. Il s’agit de cette faculté à représenter le réel par des signes à interpréter.
Ces signes sont fortement connotés : leurs signifiants prennent l’allure de masques, dont le rôle est le même que celui des masques au théâtre. Une des définitions du masque africain est celle de W.Fagg «tous les objets auxquels le nom de ‘’ masque‘’ doit être attribué peuvent se définir en deux mots : ils masquent. Cela signifie qu’ils cachent ou suppriment l’identité »34.
Ils masquent au sens propre et aussi au figuré : celui qui les porte l’aide à personnifier une force, un esprit ou un dieu. Et cela est d’autant plus vrai que Wole Soyinka est un homme de théâtre par excellence. Il a écrit une quinzaine de pièces théâtrales, dont certaines ont été jouées dans plusieurs pays.
Il est plus facile de lire le texte des Interprètes comme une pièce dramatique appartenant au théâtre africain (sachant que Wole Soyinka est un homme qui donne une étendue privilège au monde du théâtre) qui emprunte des masques cachant pour mieux dénoncer une réalité. Le port du masque est d’abord une nécessité : il donne à chacun le sentiment de son appartenance au groupe ; il permet de consolider l’ordre de la communauté véhiculant des messages voire des codes indispensables à celui qui porte le masque35.
Ensuite, le masque nigérian apparaît comme un instant d’éternité permettant la rencontre des personnages avec des divinités. Il a une puissance magique ; le porteur « est prêt à recevoir son Dieu dans son âme »36. Ce roman met ainsi en place un jeu centré autour de l’identification et de l’union avec une divinité.
Enfin, la portée de ce rôle masqué dans Les Interprètes est de nature spécifique, en ce sens que les personnages tentant de résoudre le conflit culture africaine/acquis occidental qui les mine, n’enlèvent pas le masque mais lui donnent une profondeur en l’intégrant à ce qu’il cache :leur nature profonde. Le masque n’est pas supprimé, mais son port participe à la résolution du conflit. Nous sommes donc loin du sens qu’on lui donne habituellement. Comme l’a noté Fagg, il cache l’identité seulement chez Soyinka et participe en même temps à la découverte de cette identité. Il est fait d’absence présence.
L’auteur anglophone Soyinka est fortement marqué par la pensée pragmatique anglo-saxonne d’où le souci de définir sa propre nature et d’exprimer son essence. Le recours à l’histoire des divinités a pour but de mettre en avant la création de mythes qui « galvanisent le peuple et le portent en avant »37.
Lalèyê écrit à propos des Yorubas : « Ce qui est sacré dans l’être humain c’est la vie. Le souffle de vie que Olodumar a pu mettre en lui. La personne est donc une valeur sacrée pour cette première raison »38.
Le monde des divinités est indissociable de celui des hommes, le fait d’utiliser des figures hors norme, n’exclut pas un discours chargé de sens raisonnable.
notes
1 Texte traduit de l’anglais au français par Frédéric Reglain/Liaison Agency Etienne, The Interpreters, London, 1965, p.300.
2 L’art africain, principalement la sculpture est connue en Europe depuis le XVème siècle, mais n’a acquis son expression artistique authentique qu’après 1906 lors de la découverte de la peinture cubiste d’où le véritable art nègre. cf., Art Negro Africain, in Encyclopédie Universalis, 1996 239 Le mouvement de la négritude prend naissance à Paris vers 1935 autour du groupe de l’étudiant noir animé par Senghor et Césaire ; il connaît très vite un grand succès.
3 Wole Soyinka, Les interprètes, Présence Africaine, 1975. L’original, The Interpreters, 1965, London. p.p 31.32
4 Ibid, p.68.
5 Ibid.p.38
6 Cf., in l’univers philosophique, Paris, André Jacob, PUF, 1998.
7 Cf., La négritude : Essais et définition, in Littérature nègre, Paris, Ed. Albin Michel, 1984.
8 Cahier d’un retour au pays natal, Présence africaine, Paris.
9 Les Interprètes, p. 60.
10 C’est une langue, un peuple, une culture.
11 Wole Soyinka, Présence africaine, 1975. L’original, The Interpreters, London, 1965. (les initiales INT seront citées pour cet ouvrage).
12 Lire. C.Bachés-Clément, Anthropologie et psychanalyse, in l’Anthropologie, Paris, Denoël, 1971.
13 C’est une langue, une culture, un peuple.
14 Le sacré et la manifestation de forces psychiques inconsciences où se mêlent le divin et l’humain, le rationnel et le non rationnel : le sentiment du mystère.
15 K.C. Anyamwu, cité dans Masson, J., 1988.
16 Mircea Eliade, « L’épreuve du labyrinthe », Paris P. Belfond, 1978. Cf. in l’expérience humaine du divin, Michel Meslin, Ed. du cerf, Paris 1988.
17 Ibid.
18 Ibid.p.295
19 Cf., Sacré et profane, Paris, Gallimard, 1965, p 86.
20 Micrea Eliade, Sacré et profane, op.cit
21 Ibid., p.58
22 Op.cit.
23 Les interprètes,p.302
24 Op.Cit.
25 Ibid.,p.292
26 Les origines et le problème de l’homo-religiosus, Julien Ries, Traité d’anthropologie du sacré, volume 1, éd., Desclée, 1992.
27 Mircea Eliade, « Le sacré et le profane », éd. Gallimard, 1965.
28 Ils ont tous étudié en Angleterre
29 Les interprètes, p.294
30 Les interprètes, p.295
31 Philipe Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, in littérature n° 6, éd, Larousse, Mai, 1972.
32 Voir l’article de R. Barthes, L’effet de réel, communication 11, Paris, Seuil, 1968.
33 Ibid.
34 Masque d’Afrique dans la collection du musée Barbier Müller, Nathan, Paris, 1980.
35 Le théâtre africain, in Littérature Nègre, Jaques Chevrier, éd. Armand Collin, Paris, 1984
36 Ibid.
37 NDao Cheikh, L’exil d’Albouri, Honfleur, PJ Oswald, 1967.
38 Issiaka P. Lalèyê, la conception de la personne dans la pensée Yoruba, approche, phénoménologique H. Lang et Cie, S.A Berne, 1970.
2 L’art africain, principalement la sculpture est connue en Europe depuis le XVème siècle, mais n’a acquis son expression artistique authentique qu’après 1906 lors de la découverte de la peinture cubiste d’où le véritable art nègre. cf., Art Negro Africain, in Encyclopédie Universalis, 1996 239 Le mouvement de la négritude prend naissance à Paris vers 1935 autour du groupe de l’étudiant noir animé par Senghor et Césaire ; il connaît très vite un grand succès.
3 Wole Soyinka, Les interprètes, Présence Africaine, 1975. L’original, The Interpreters, 1965, London. p.p 31.32
4 Ibid, p.68.
5 Ibid.p.38
6 Cf., in l’univers philosophique, Paris, André Jacob, PUF, 1998.
7 Cf., La négritude : Essais et définition, in Littérature nègre, Paris, Ed. Albin Michel, 1984.
8 Cahier d’un retour au pays natal, Présence africaine, Paris.
9 Les Interprètes, p. 60.
10 C’est une langue, un peuple, une culture.
11 Wole Soyinka, Présence africaine, 1975. L’original, The Interpreters, London, 1965. (les initiales INT seront citées pour cet ouvrage).
12 Lire. C.Bachés-Clément, Anthropologie et psychanalyse, in l’Anthropologie, Paris, Denoël, 1971.
13 C’est une langue, une culture, un peuple.
14 Le sacré et la manifestation de forces psychiques inconsciences où se mêlent le divin et l’humain, le rationnel et le non rationnel : le sentiment du mystère.
15 K.C. Anyamwu, cité dans Masson, J., 1988.
16 Mircea Eliade, « L’épreuve du labyrinthe », Paris P. Belfond, 1978. Cf. in l’expérience humaine du divin, Michel Meslin, Ed. du cerf, Paris 1988.
17 Ibid.
18 Ibid.p.295
19 Cf., Sacré et profane, Paris, Gallimard, 1965, p 86.
20 Micrea Eliade, Sacré et profane, op.cit
21 Ibid., p.58
22 Op.cit.
23 Les interprètes,p.302
24 Op.Cit.
25 Ibid.,p.292
26 Les origines et le problème de l’homo-religiosus, Julien Ries, Traité d’anthropologie du sacré, volume 1, éd., Desclée, 1992.
27 Mircea Eliade, « Le sacré et le profane », éd. Gallimard, 1965.
28 Ils ont tous étudié en Angleterre
29 Les interprètes, p.294
30 Les interprètes, p.295
31 Philipe Hamon, Pour un statut sémiologique du personnage, in littérature n° 6, éd, Larousse, Mai, 1972.
32 Voir l’article de R. Barthes, L’effet de réel, communication 11, Paris, Seuil, 1968.
33 Ibid.
34 Masque d’Afrique dans la collection du musée Barbier Müller, Nathan, Paris, 1980.
35 Le théâtre africain, in Littérature Nègre, Jaques Chevrier, éd. Armand Collin, Paris, 1984
36 Ibid.
37 NDao Cheikh, L’exil d’Albouri, Honfleur, PJ Oswald, 1967.
38 Issiaka P. Lalèyê, la conception de la personne dans la pensée Yoruba, approche, phénoménologique H. Lang et Cie, S.A Berne, 1970.
Auteur
Kahina BOUANANE-NOUAR
Pagination
Pages 13-14